Dessalines-Pétion, le brouillon d’un dialogue avorté !

27 novembre 2013

Dessalines-Pétion, le brouillon d’un dialogue avorté !

Ce n’est pas qu’un article de plus. Face aux avalanches de dangers imminents qui assaillent ma patrie de toute part, je ne saurais prioriser la cohérence du discours sur la multiplicité et l’ambiguïté des sentiments qui me traversent, me bousculent et m’étreignent. Pour cette fois, je n’ai pas le souci d’être impersonnel. Je prends position.

Quand l’abcès est mûr, l’économie du drainage est anti-thérapeutique. Aussi douloureuse que puisse être l’évacuation des pus, elle est incontournable pour le traitement. La volonté de l’homme n’est pas au-dessus des lois de l’univers. La vie sur terre a ses prérogatives et obligations. Le bonheur d’une nation ne se définira jamais par l’absence de problèmes et  de défis mais par sa capacité à les regarder en face et à les surpasser.

Je reconnais que la tactique du marronnage, pour une large part, a contribué à créer les conditions psychologiques nécessaires à la sublime révolution nègre de 1803. Mais nos ancêtres, autant Dessalines que Pétion, avaient eu l’adresse de comprendre que cette stratégie n’est valable que provisoire. Voilà pourquoi, en dépit des énormes différences qui caractérisaient leur itinéraire, ils se sont arrêtés au carrefour du dialogue pour prendre ensemble le chemin de l’union qui a abouti à la force du 18 novembre à Vertières.

210 ans plus tard, des défis occultés, esquivés auxquels s’adjoignent de nouveaux enjeux posent la nécessité d’un nouveau dialogue. Un dialogue tenant compte de tout. Du petit comme du grand, de l’épiderme comme du cœur, de la vérité comme du mensonge, de l’épopée comme de la réalité, du rêve comme du cauchemar. Ce n’est pas la frayeur de l’impopularité qui va comprimer ma position. Dessalines, le chef suprême de la nation, doit rencontrer Pétion, pas pour la casse, pas pour la violence, pas pour l’inversement des privilèges,  même pas  pour le procès posthume de son assassinat longtemps recouvert d’opacités mais pour le lancement du dialogue constructif qui doit rappeler à tous et à chacun que cette terre n’a qu’un seul propriétaire : La liberté.

Cette liberté élégante, pleine d’entrain qui allie les droits politiques et sociaux aux droits économiques, et ceci indépendamment de la création sociale à laquelle on s’identifie et on croit appartenir. Dessalines doit obligatoirement rencontrer Pétion comme il est permis entre   supérieur hiérarchique et  collaborateurs directs. Pas pour scander des slogans hostiles indignes de son rang ni pour poser comme scientifiques des pseudo-analyses limitant à l’épiderme la source des différends entre les diverses couches de la société haïtienne. Lui, qui 210 ans déjà comptait des Polonais parmi son personnel médical, lui qui avait le malheureux privilège de vivre dans sa chair les atrocités auxquelles peuvent conduire les préjugés de couleur. Oh non ! Arrêtez les blasphèmes, ce n’est pas à ces trivialités qu’il accorderait d’importance. Comme toujours, il traiterait le mal par ses racines. Il ne chercherait pas la motivation de nos actions à la surface de la peau. C’est de la bêtise humaine qu’il discuterait, du danger d’être habité par des intérêts mesquins, du mépris de l’effort méritoire,  du viol incestueux,  répétitif et collectif de la justice, du chômage hallucinant, de l’éducation désossée, du développement rachitique, et de la mainmise paralysante de la bourgeoisie boutiquière sur l’élan national. Le héros qui n’avait d’égal que sa capacité à transcender les mesquineries, n’imputerait jamais à une seule classe la cause de nos errements. Il n’oublierait certainement pas qu’aux grands pouvoirs incombent les grandes responsabilités mais il ne serait pas plus clément face à la masse électorale qui semble n’avoir jamais appris de ses erreurs, qui rarement  s’organise pour briser le joug de la dictature de l’émotif pour embrasser la raison. Voilà ce que serait l’essentiel de l’intervention  de celui qui a toujours su que les véritables ennemis sont l’absence de communication franche, l’ignorance, et les intérêts inavouables et inavoués qui peuvent être l’apanage des noirs, des blancs, des jaunes, comme des rouges.

La société haïtienne est en décomposition. Elle pue l’impérialisme de la médiocrité, de la myopie politique, de la propagande nauséeuse, du débridement excessif de la sexualité irresponsable, de l’aliénation mentale collective, et surtout de « L’excusite ». Cette maladie qui veut que l’haïtien soit une éternelle victime n’ayant jamais sa part de responsabilité dans son mal et malheur. Certes, la plus infime probité intellectuelle, recommande à tous de reconnaitre les méfaits encore actuels de la conspiration internationale contre cette poignée de nègres pourtant sublimissimes en dignité et en valeur, qui a osé rappeler aux tenants du colonialisme avilissant que l’homme est né pour vivre libre. Mais qu’importe, qu’il me soit encore permis de rappeler que le rôle du conspirateur c’est de conspirer, et le rôle du gouvernement c’est de protéger. Si le premier ne lésine pas sur les moyens pour accomplir son forfait, le deuxième devrait faire sinon mieux du moins autant. Il parait que nous sommes encore loin de comprendre que les mineurs ne chôment pas, c’est à nous de bien diriger nos pas. Malheur au pays dont le chef est un candide !

Nous sommes à peine en novembre, et déjà l’hiver nous frappe de toute sa rigueur. À l’Est de nos frontières, nos frères sont froidement abattus comme des chiens pour avoir commis le triple crime d’être haïtien, noir et pauvre. Et on appelle ça : Un incident. Ici, le soleil se couche tôt, sans avoir le temps de suffisamment réchauffer nos graines d’espoir. Ce n’est pas que ses rayons soient devenus paresseux mais  émus par nos misères, ils ferment les yeux et pleurent. Au printemps, il nous est fait la promesse que ces larmes fertiliseront nos terres car nous portons la marque du soleil sur notre peau et sa chaleur dans notre cœur éternellement conquis par la dignité.

Dr Valéry Moise, lyvera7@yahoo.fr

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Commentaires

Vilu Emmanuella
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Si en lisant vos articles, ces gens là ne s' assoient pas pour prendre le temps de penser pour une fois juste au pays qu'à leurs intérêts mesquins, c'est qu'il s méritent tout simplement leur titre de"Colons Déguisés".
Dire qu'ils se font passer pour les amants de la patrie.

AHB
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Il est imprope de melanger le sens historique du terme marronage et celui que la semantique populaire lui donne aujourdhui.
Aujourdhui, "faire du marronage" siginifie, eviter d'aborder un probleme.
Je reconais cette interpretation du terme dans ton texte, quand tu expliques qu'une nation doit pouvoir regarder ses problemes en face et les surpasser,pour ensuite insinuer que le marronage est une technique vaine que Dessalines et Petion avaient du abandoner.
Historiquement, le marronage c'est pas du tout cela. Le marronage etait une lutte active menee par des esclaves insoumis. Souvent les marrons etablissaient des socites parallelles organisees autour de la religion traditionelle. Les marrons, revenaient aussi periodiquement faire la guerre au systeme esclavagiste a travers des razia devastateurs.
Assimiler donc le terme marronage a de l'irresponsabilite ne rend pas du tout justice a la dignite des premiers marrons.

Valéry Moise
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Cher lecteur, je vous remercie d'avoir accordé un peu de votre temps qui doit être précieux à la lecture de mon article.Et surtout merci de l'avoir commenté, mais je crains que je ne me sois mal fait comprendre.A aucun moment de la durée, il ne m'est venu à l'esprit l’idée de présenter le marronnage comme " Une technique vaine que Dessalines et Petion avaient du abandonner". Je connais trop le poids des mots pour infliger pareil traitement aux premiers élans de notre révolution de 1803. Mes articles ont malheureusement le défaut de nécessiter plusieurs lectures pour une compréhension nette et claire.Encore merci.

Nelson Deshommes
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Vraiment très bonne analyse de la situation critique de notre pays. Malheureusement, il n'y a aucune lueur d'espoir que cela va changer dans un temps relativement court ou long.

Valéry Moise
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La foi est une ferme assurance des choses qu'on espere,une demonstration de celle qu'on ne voit pas.

Woldson Bertrand
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Il est évident doc que le dialogue quoique teinté d'hypocrisie entre le plus haut gradé de ce qui restait de l’armée Louverturienne et le plus haut gradé des généraux mulâtres a abouti sur un dialogue limite. Ce dialogue n'a de mérite que parce que les deux généraux, quoique ayant des intérêts divergents ont fait preuve de grandeur en engageant un dialogue pour leur survie. La conclusion de ce dialogue a été de chasser définitivement les français et de proclamer l’indépendance de l'ile. Je ne vais pas considérer les limites de ce brouillon dans le cadre d'un dialogue responsable, cependant, je vais avec toi insister sur le fait qu'il a quand même accouché du premier Etat érigé par des esclaves victorieux et comble d'insolence pour les têtes bien pensantes de l’époque, des nègres. J’espère que bientôt, très bientôt nous aurons la possibilité de nous dire les quatre vérités en face pour évacuer plus de trois (3) siècles de tension.entre noirs et fils de colons et mettre au propre le brouillon griffonné par les deux principaux protagonistes de l’indépendance nationale, Les généraux Dessalines et Petion. Kenbe la brother, compliments pour ton texte qui constitue une excellente contribution dans le cadre de la recherche de ce dialogue complet entre les fractions mulâtres et noirs d’Haïti.

Valéry Moise
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Merci mon ami Bertrand! Que faut-il encore ajouter à un commentaire si bien éclairé? Oui, bientôt, et même très bientôt, ce dialogue doit se tenir pour libérer les tensions vieilles de trois siècles!

Herrick Dessources
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Succulent article... qui invite une fois de plus a ce dialogue combien de fois avorté. On nierait l'existence du mal, non point a raison. Ce serait de l'irresponsabilite criminelle. Mais ce serait grave legerete de penser que la solution passe par un nouveau projet politique ou economique. Je demeure convaincu, Val, que ce dialogue est plus que jamais urgent et indispensable... il est panacee. Et je m'empresse de preciser qu'il ne peut se faire a tarvers les institutions, car au coeur de la merilance celles-ci sont encore sous l'emprise de l'inertie du train de l'avortement.

Un appel lance a nos jeunes leaders pour qu'ils nous rejoignent a la table du dialogue social. Pour que ce texte ne soit pas qu'un article de plus!

Chapeau, Val!

Que Dieu transforme Haiti!

Valéry Moise
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Merci mon ami, mon frère Dessources! Certains commentaires se suffisent à eux-mêmes, et je crois que le tien fait partie de cette rare catégorie. Ensemble pour le dialogue social!

Judes JONATHAS
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Tres bon article, comme d'habitude!!! Espérons ke la tonbe nan bon tè!

Valéry Moise
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Espérons mon frère!